vendredi 18 mai 2007


Conscient du vertige sans savoir pour autant le nommer, on fit construire un mur pour s’y adosser les jours de fatigue, quand la vie se fait rude et que l’on craint qu’à trop courber l’échine le ciel ne nous rattrape. On prit pour architecte celui-là même qui aux dires de plusieurs avait bâti l’univers du seul fait de sa pensée. Mais le mur s’effondra avant d’avoir atteint le premier nuage et lorsque l’on se mit en demeure d’en construire un second, la solidité ou non de ses briques fut un tel sujet de discorde qu’à son tour il tomba, émietté sur un sol laissé à la mémoire de ses ruines. Piètre dans la Foi comme dans l’ignorance, nous venions à notre insu de nous condamner à l’horizon.

(Extrait de « Claustrophobie ou les Rues de Pandémonium », Ed. de l'Acanthe)

Amputez-moi de mes mots, il m'en restera toujours assez de bribes pour en faire un poème. Prenez mes souvenirs aussi, en gage de ma bonne foi, j'en sauvegarderai l'écume. Et tous mes fantômes, je vous les donne : il y a trop peu de sel dans mes remords pour attenter à leur départ.

(extrait de « L’Amour en Lettre Capitale », Ed. Le coudrier)

Le Cercle de la Rotonde

Le Cercle de la Rotonde est un Cercle littéraire crée par Marie-Clootilde Rose en 1990 à Louvain-la-Neuve visant à la rencontre d’auteurs, jeunes et confirmés et qui depuis 1999 vit en partenariat avec le Théâtre-Poème qui l'accueille dans ses locaux. Le cercle qui plus est est soutenu par Ministère de la Communauté française. Une autre ambition du Cercle est de présenter, non seulement des auteurs, mais des éditeurs ou animateurs culturels.
Pour plus de renseignement : http://www.lecercledelarotonde.be/






L'anthologie "Résonances" comprend 50 auteurs qui tous ont été invité par le Cercle de la Rotonde, plus un "prière d'insérer" d'André Balthazar. J'y ai laissé 2 poèmes et eu l'honneur de participer au choix d'un tiers des textes.














jeudi 17 mai 2007

Exposition avec"Art Gimiacus"

Si vous tirez la queue d'un chat
gardez-vous de ses griffes
Si vous caressez le tissu d'un poème
il vous tombera une phrase
Qui de la blessure ou de la phrase
aura raison de votre prochain geste ?

P.F.


J'ai appris à rire avec les blés, à lire tout ce qu'un arbre avait écrit sur mon sort et quand on m'appelle c'est d'une voix de cigale que je réponds. Je me promène comme on aime à se perdre, égaré multiple savourant sa folie au gré de ses dérives. J'habite la seule épine qui ne m'ait pas piqué et je taille toujours ma plume sur le fil du rasoir : le Temps ne m'a prêté asile que l'espace d'un mouchoir.

(Extrait de « Claustrophobie ou les Rues de Pandémonium », Ed. de l'Acanthe)



Faut-il rendre le champagne à ses bulles, à Hippocrate son serment et ses larmes à un chagrin qui en a bien besoin ? Ou tant qu'à faire céder le ciel à ses anges et s'intéresser aux nuages pour jauger la distance qui sépare un havre de ma souffrance ? La question est : Faut-il ?


(Extrait de « Claustrophobie ou les Rues de Pandémonium », Ed. de l'Acanthe)

Ô tous ces visages

travestis de l'espoir

de celui qui croit que l'arbre

un jour pourra ramasser le fruit

chacun

n'ayant qu'une voix pour parler

qu'un parler pour dire

et si peu de mots pour façonner le temps

à sa juste présence


Ô tous ces visages


(Extrait de « Claustrophobie ou les Rues de Pandémonium », Ed. de l'Acanthe)

I

Telle l'atrabile un destin atone
A versé en moi un bain d'ébène :
Noir chagrin indolent où se traîne
Un flot lent de larmes et de haines.
Souvent en ce fleuve d'eau malsaine
Je vois émerger une clarté
Jaillissant d'un phare d'outre-mer :
Ô sinistre lumière de nuit !
Râle de clairvoyance solitaire
Qui m'abandonne un abîme amer.

II

Malheur à l'incrédule qui luit,
Seul, parmi les ombres qui s'enchaînent
Aveugles du monde et de la peine :
Pour prison je ne veux que l'amour !
Mais les ombres me guettent vautours
De toussaint aux pattes de velours,
Me voulant aux cieux ou dans une tour,
Préférant l'ignorance à l'odieux,
L'illusoire à mes propos de pieu.
J'ai assez vu leur tourment Ô Dieu !
S'il te plaît crève-moi les deux yeux.


P.F.

Souviens-toi du langoureux vertige

De nos corps amoureux se faisant la bise

Au rythme des clameurs et des vapeurs grises

Comme saoulés d'une soirée

Faut-il la nommer : De prodige!


Souviens-toi, souviens-toi te dis-je

De ces slows trop éphémères et des transports

Qui de tribord à bâbord scellaient notre sort.

L'avenir était une voile et nous étions dans sa toile

Prisonniers d'une courbe s'ouvrant au vent divin

Soucieux d'oublier de nos sens ondulants

Le non-sens vague d'un désir trop urbain.


Comme le navire charrie des flots d'extases

D'extases aussi était le fanal de nos regards.

D'artimon ou de misaine peu importait le mât

Où trouvaient à s'attarder certains de nos pas :

Nous étions les rois tout-puissants de la mer.


P.F


I


Toute l'eau du port ne

suffit pas à inonder le songe

partons ainsi qu'assis

dans l'entrelacs de nos récits

qui voyage dit-on

ne revient pas sans mirage

ni vent cousu aux doigts






II


Venise a-t-elle désiré toucher le ciel

du bout de son loup

qu'à trop jouer de ses racines

l es voici démasquées comme

n'étant que la pierre humide

d'un rêve qui se repense

à mesure qu'il s'affaisse




P.F.

Leurs mains restaient face à face

comme deux miroirs complices

cherchant dans la vérité des paumes

le pourquoi de la pudeur

et si s'aimer était possible,

le désir se jouant de l'opaque.

A reflet identique, comparable ivresse

et ostensiblement

l'attrait se soumettait à l'étreinte

comme le vouloir au voulu,

comme la promesse au serment,

avec quand même en sursis la crainte

de voir (était-ce peur ou pressentiment ?)

la vie, cette vie, la leur,

s'abîmer,

s'émietter,

dans un lamentable bris de glace.


(Extrait de « Claustrophobie ou les Rues de Pandémonium », Ed. de l'Acanthe)

(à mes défunts)


J'ai la tristesse amère des jours éphémères

Quand la lune rit des ans passant sous son anse,

Quand le siècle promène, allègre, ses heures

De ciguë, rêvant encore nouvelle sentence.




Et puis quand le temps comme un néant malfaisant,

Darde son sombre oubli sur nos tombes fécondes,

Desséchant, décolorant, pliant et faisant

D'une fleur du souvenir la cendre du monde,


J'ai le fiel amer des mémoires éphémères.






P. F.

Si l'on vous dit que demain est un autre calembour, ça vous fait rire... Si l'on vous demande vos papiers, vous prétendez ne pas vous connaître... Avez-vous également conscience qu'à l'heure où il vous faudrait dîner vous ne vous nourrissez que de poèmes ? Qui êtes-vous et pourquoi vos miroirs ont-ils des mots si amers.


(Extrait de « Claustrophobie ou les Rues de Pandémonium », Ed. de l'Acanthe)



Tout m'abandonne jusqu'à savoir qui je suis

De qui suis-je le père de qui serai-je le fils

Qu'on me prête une voix ou je hurle

Et une mer que je la batte

Brisant la vague frappant l'écume

Vainqueur du moindre remous

Quelque part en porte-à-faux de soi




(Extrait de « Claustrophobie ou les Rues de Pandémonium », Ed. de l'Acanthe)

Claustrophobie ou les rues de Pandémonium






« Toujours il revoit l'aurore qui dans le moule

L'a baptisé, et son berceau malgré vos foules

Maugréantes, luit de sa semblable ascendance »




C'est sur ces mots, les premiers à vrai dire que je couchais sur le papier, que ma vie prit le chemin du poème comme d'autres empruntent une voie vers un ailleurs qui leur ressemble tant il est vrai qu'entre la voix et la voie les distances se confondent en une lettre absente. Claustrophobie ou les rues de Pandémonium, curieux titre il est vrai, qui attire autant qu'il rebute : d'aucuns craignant d'y découvrir un surplus de noirceur, oubliant bien vite que c'est à la lumière que l'ombre doit d'être dessinée et non l'inverse. Ce recueil je l'ai voulu plus touchant que sombre, presque naïf comme le regard d'un enfant sur le point de naître et porté par ses promesses ; je m'y accouche au fil des pages et m'étonne presque de me voir venir en mots. J'ausculte le monde, rêvant aussi de ciel, alors que le ciel n'est plus de nos jours qu'un petit bout de météorologie et possède ce curieux besoin d'accorder la quête du mystique à la rhétorique de l'esthète. N'y a-t-il point de paradis sans idoles et à quoi bon s'atteler à ne construire que des ruines ?


P.Feyaerts



Poète, philosophe, moralisateur ? Pascal Feyaerts est avant tout un solitaire vivant parmi les ruines d'une tour de Babel rejetée par tous, Dieu en tête. Il exprime très clairement « cette ardeur inquiète qui vous prend à l'instant d'être » en cette capitale imaginaire où les impasses se multiplient jusqu'au cœur de l'absurde. Fort heureusement l'auteur apprit « à rire avec les blés », à « incendier ses ténèbres », à « s'endormir dans le lit d'une pensée sans souci ». Voilà qui soulage de la claustrophobie que le titre évoque pourtant aussi avec pertinence.Poète, philosophe, moralisateur ? En tous les cas un fervent qu'habitent rêves, abîmes, vertiges de l'autre côté de la mer.




Jean Dumortier


Chaque texte bref de Pascal Feyaerts ressemble un peu à un joyau dont la page du livre serait l'écrin. Il y a comme un travail d'orfèvre de l'écriture qui touche dès l'abord et se renouvelle au fil des poèmes.Les mots semblent choisis avec soin, ciselés avec patience et passion. La rythmique de chaque phrase respire d'une tonalité juste, empreinte de finesse et d'amplitude. On remarquera de nombreuses associations de termes et d'images très inventives. Loin d'être gratuites, ces trouvailles accroissent l'intensité des propos contenus dans l'écrit.L'écrivain peint avec de l'humilité, du tact et de l'émotion, des paysages reflétant l'état du monde, des icônes de voix intérieures. Le recueil est parcouru par un fond d'amertume, une forme latente de mal-être. Mais sans tomber dans le larmoyant ou le théâtral. Au contraire, la manière de dire les choses en magnifie l'approche en une sorte d'appétit dont on se doit de préserver la fragilité et la puissance. Un petit livre à découvrir et à déguster.



André Simon